Une édition maintes fois reportée, pour cause de covid, et qui voit enfin le jour (et la nuit).
« Up In Smoke »… Comment traduire ça… ?
« Là-haut dans le brouillard », peut-être ?
Et moi qui croyais qu’il s’agissait d’un phénomène naturel, d’une brume qui monte du Rhin ou qui descend des montagnes…
Quand j’entre sur le site du festival - un hangar de la taille de la Valley (la MS) et une petite tente ouverte aux quatre vents (la… Tent) - j’entre aussi dans un nuage de fumée qui sent bon, qui sent très bon. Là-bas, l’ambiance est roots. Le bonnet, l’écharpe et le manteau ne sont pas de trop quand on est sous la tente ; et le tee-shirt est presque superflu quand on est collé aux autres dans le hangar. Ce sont des passionnés, du barbu rêche et de la brune tatouée. Allez, je suis obligé de la faire : ce sont des trves, et ce sont tous des trves de Bâle.
Quatre heures de route. J’arrive pour le dernier morceau de Monkey3. Pas grave, je les ai déjà vus 2 fois. Jamais 2 sans MonkeyTrois ? Ben non, pas cette fois.
[color=#ff7c0a]TEMPLE FANG[/color] sous la Tent. Il fait froid (10°c). Pas l’habitude des fests polaires surtout sans veste polaire. Mais dès le milieu du 1er morceau, je ferme les yeux et je pars. Leur set est plus lent et plus planant qu’au Roadburn ou qu’au Desertfest. Impression d’être assis sur un nuage confortable et chaud et de survoler le monde. Quatre morceaux pour 50 mn de set. Je préfère leurs concerts à leur album live, que je trouve presque aussi chiant que, par exemple, un documentaire sur les vaches à la télé suisse romande - et désolé si c’est votre truc à vous (y’a des pervers partout).
Pour terminer, 1h30 de [color=#efff0f]FU MANCHU[/color] sur la MS. Ça commence à 100% et ensuite ça accélère. Scott Hill ressemble à une créature de Frankenstein habillée en skater. C’est fascinant. Je reste devant la scène le temps de 2 morceaux, puis je suis éjecté sur le côté d’un mosh pit très large et très violent. Evil eye, qu’ils disent. Un morceau planant vers la fin (Saturn III ?), un gratteux et un batteur qui font le gros du boulot. Un concert sans fioriture, bruyant et percutant.
A la fin du concert, j’ai failli rester dormir sur le sol du hangar - ils appellent ça un sleepover, 60 CHF les 3 nuits - mais j’ignore comment c’est possible tant le béton est jonché de canettes et maculé de bière. Il paraît qu’ils tirent une bâche. Je me rabats sur l’alcôve 3 étoiles et 3 duvets à l’arrière de mon Berlingo pour une nuit plutôt fraîche et humide sur le toit d’un centre commercial. Vie de Bohème - ou Bohemian rhapsody ?
Tu n’es pas allé à la messe en Savoie ?
Non ! J’avais un parchemin 3 jours (il datait de 2020… et ils ont rigolé quand je l’ai présenté) et quand j’ai vu que je pouvais arriver à temps pour Temple Manchu et Fu Tang (Clan), je n’ai pas hésité.
Up In Smoke, Pratteln, Suisse, 2ème jour.
Bâle. Un coup de rein, un tour de Rhin, puis la vieille ville. Dans la Cathédrale, l’ambiance et le décor d’un concert de Ghost, mais sans la musique : du coup, c’était pas mal… Le tombeau d’Erasmus et une crypte souterraine du 11ème siècle ! Le décor est encore meilleur qu’à Clisson : Ben B. devrait-il contacter les architectes ?
15h, retour au festival. Enfin, presque, car mon GPS est très taquin et il m’envoie en Allemagne, dans la file de la douane réservée aux camions. J’ai cru que le douanier allait désosser la voiture et moi avec.
Je loupe Oakhead et une bonne partie des Midnight Dead Beats. Puis tout commence avec Irist, du sludge, ce qui n’est pas ma tasse de thé. Je fais donc descendre ça avec un café au schnaps - une boisson qui me rend bizarrement joyeux et tout clément : je decide aussitôt de pardonner à Gerhard Peter Sigibert (le nom que j’ai donné à mon GPS, en hommage au célèbre meneur de la révolte des éboueurs de Düsseldorf en 1348) ses multiples errements.
Sous la Tent, [color=#36ffff]CARSON[/color], qui n’est pas du Nevada mais presque : du comté de Lucerne. Du heavy rock qui groove bien, avec une bassiste extatique qui manoeuvre son instrument comme s’il s’agissait d’un animal sauvage. Je n’avais rien vu d’aussi sexy depuis cet accouplement de 73 lémuriens lors d’un voyage astral au Groenland (qu’est-ce qu’ils foutaient là-bas, d’ailleurs ?).
[color=#1f4bff]PALLBEARER[/color] (doom, US) : il y a des groupes qui vous assoient sur un nuage, et d’autres qui creusent un profond cratère sous vos pieds et qui vous enterrent. Combien de tombeaux dans ces morceaux ? Combien de cercueils sont portés ? Je mets un petit moment à entrer dans le cortège, avant d’apercevoir une femme en transe dans le public. Sa ferveur est communicative. Au bout du tunnel, une lumière noire, aussi repoussante qu’attirante. Il y a quelque chose du WARNING de Patrick Walker dans ce doom-là, et il m’a fallu de nombreuses minutes pour remonter à la surface.
Sous la tente, le grand méchant [color=#daff21]SASQUATCH[/color] (stoner, US) a sorti sa grosse papatte et joue de nos corps. Du très bourrin, qui vous oblige à poser le cerveau au vestiaire, en échange d’un ticket et d’une baffe dans la gueule. Puis il nous a mis de côté pour qu’[color=#ff1fa5]ORANGE GOBLIN[/color] puisse en finir avec nos carcasses un peu plus tard. Sur scène, Saruman et ses hobbits ont donné quelques tours d’une magie noire qui n’a pas marché sur moi : c’est efficace et c’est pro, mais aucune de leurs chansons ne sort du lot pour moi.
Auparavant, beau set d’[color=#1fe9ff]ELDER[/color] (psyché, US). Je mets un peu de temps à entrer dedans. La voix de Nick DiSalvo est sous-mixée et le groupe, sur scène, perd en finesse ce qu’il gagne en puissance.
Au 3ème morceau, le type devant moi s’en va, je me colle à la barrière et c’est comme si tout à coup je passe la tête par la fenêtre et que je vois enfin le paysage. Tout devient clair : la discussion entre les deux guitares, les monologues complexes de DiSalvo, les tremblements de la basse.
Et [color=#29ff19]SLOMOSA[/color], marchand de bananes. Le public est toujours enthousiaste et c’est vrai que ça groove. « Rien de nouveau sous le soleil », comme ils le chantent, mais j’ai toujours autant de mal avec la voix de tête du chanteur, à la diction précise et claire, qui me rappelle celle du chanteur d’XTC. C’est une voix « parolière » plus qu’un instrument, et ça entraîne le groupe vers quelque chose d’un peu solaire. Je m’éloigne après un passage franchement heavy au milieu du titre-phare, pendant que le public gigote comme d’heureux petits suisses dans une coupelle.
2ème nuit dans le Berlingo, avec 6°c de plus et un duvet de moins.
Devinette du jour.
Comment appelle-t-on une très forte envie de pisser au petit matin, sur un parking suisse dépourvu de toilettes ?
Réponse : une hell vessie.
Un peu de logistique comparative ?
Pour se garer et dormir dans la voiture sur le parking « sécurisé » du festival (c’est à dire le parking sur le toit d’un centre commercial, gardé par un vigile de 15 ans 1/2 armé d’un redoutable téléphone), il en coûte 16 CHF ! Mais on peut se garer gratuitement un peu plus loin, même si l’endroit (zone commerciale et zone d’activité) n’est pas très engageant.
La nourriture du fest est chère mais heureusement tellement mauvaise que l’on n’en achète qu’une fois.
Les frites, tièdes, avaient l’apparence et le goût de rognures d’ongles de troll. Les falafels étaient si durs que je les ai mis de côté pour une future partie de palets bretons. Et la moutarde sentait la pissotière. Bon appétit.
Pour ceux qui se plaignent de la nourriture du HF, je préconise un exil de 3 festivals en Suisse.
La bière ? 1664, Guiness en canette ou une horreur fade du nom de Feldschlösschen. C’est plus rigolo à dire (surtout dans l’oreille d’une serveuse pendant un concert assourdissant) qu’à boire.
Du coup, j’ai alterné entre le café au schnapps qui fait rire et une liqueur de menthe, la Berliner Luft, qui a terrassé les renvois acides de la moutarde et m’a fait une haleine de princesse.
Le site est petit, c’est très facile d’accéder à la barrière même à 5mn du concert, les groupes appartiennent essentiellement au label SOL (Sound Of Liberation). Le son est bon. Il n’y a que 10mn de pause entre chaque concert et le public est passionné : aucune trace de touristes, pas de Pikachu ni de matelas gonflable et gonflant. Les mosh pits sont à déconseiller aux âmes sensibles, pour ce que j’en ai vu de loin.
En résumé, un beau petit fest (une convergence de plusieurs tournées en fait) mais qui nécessite un budget et d’avoir à boire et à manger de son côté (à l’extérieur du fest). :horns:
3ème jour, qui s’ouvre sur 40 mn de heavy rock. [color=#fff12b]HIPPIE DEATH CULT[/color] de Portland, Oregon, mené par une bassiste rousse et géante, aux faux airs de Despentes en plus vénère (si, si, c’est possible).
Puis l’agréable découverte de [color=#ff2499]HALF GRAMME OF SOMA[/color], heavy, grec et planant, avec un chanteur charismatique à la voix rauque.
Vous connaissez la théorie de l’entonnoir ? Bon, probablement pas : c’est un truc que j’ai bricolé dans ma tête. L’idée est la suivante : parfois, un certain nombre de facteurs convergent au même endroit et au même moment, et c’est la crue. Quand commence le set de [color=#1ff8ff]SOMALI YACHT CLUB[/color], mon corps est épuisé par les heures de route, les mauvaises nuits et les concerts, tandis que mon esprit est aussi meuble que de la glaise ; le café apporte une tension à mon cerveau et le schnaps, un relâchement ; les drapeaux ukrainiens qui recouvrent les amplis flottent devant mes yeux ; les émotions liées au 1er confinement - quand j’ai écouté ce groupe pour la première fois - remontent à la surface. Dès les premières notes, sans que je puisse m’expliquer pourquoi, des larmes coulent alors que je ne connais pas le morceau. Au 2ème titre, que j’aime beaucoup - Loom - c’est un déferlement. Pendant tout le concert, je serai traversé par des soubresauts aussi puissants qu’insoupçonnés. Je resterai ensuite un long moment devant la scène, seul, à tenter de retrouver le monde, de pouvoir à nouveau y jouer ce rôle de figuration.
Le concert de [color=#ff9812]NAXATRAS[/color] (psyché, Grèce) me permettra de redescendre en douceur, avant de retrouver [color=#57ff24]GREENLEAF[/color].
Un conseil ? Ne ratez surtout pas ce groupe lors de leur prochain passage ! Ils donnent tout. Absolument tout. Une générosité sans faille, du stoner gorgé de blues et de soul. Quel groupe !
Pour terminer, mon 1er concert décevant de [color=#ff491c]MARS RED SKY[/color] : des voix inaudibles à moins d’être à 30m de la scène et un don en forme de bouillie… bordelaise. Et [color=#2635ff]STONED JESUS[/color] (stoner, Ukraine) qui débute par un Bright like the morning radieux et termine par I’m the mountain, épique.
Ensuite ? Quatre heures d’une route baignée d’averses et de nuit, trois heures de sommeil, et la difficile renaissance au monde du travail et des injonctions.
Merci à ceux ou celles qui ont eu la patience de me lire, et la gentillesse de pardonner mes longueurs et mes jeux de mots douteux ! :horns:
Bah écoute c’était bien sympa à lire.