chronique
Linkin Park-From Zero
C’est probablement le retour le plus inattendu de cette année 2024 et l’un des plus couronné de succès.
En début d’année, le bruit courrait dans la presse spécialisée que Linkin Park était de retour. Tout d’abord, au détour d’une interview, c’est le frontman du groupe Orgy, Jay Gordon qui dit qu’il pensait que le groupe envisageait un retour en live avec une chanteuse. Il a vite démenti ses propos. Ensuite, en Avril c’est le célèbre magazine américain « Billboard » qui annonce que la société WME propose le groupe Linkin Park aux festivals avec un nouveau line-up. Enfin, courant août, des news officielles, le site internet du groupe affiche une compte à rebours de 100 heures. Arrivant enfin à zéro, première annonce majeure : un évènement, pour le 5 September 2024 à Los Angeles et c’est un concert, pour quelques privilégiés, avec comme premier titre, un nouveau Single « The Emptiness Machine ». Le nouveau line-up est présenté : Emily Armstrong, chanteuse du groupe Dead Sara, sera la nouvelle tête de pont du groupe aux côtés de Mike Shinoda, Rob Bourdon a la batterie cède sa place à Collin Brittain, et en tournée c’est Alex Feder qui sera à la guitare en lieu et place de Brad Delson (qui sera donc musicien de studio et compositeur).
Un album court, 31 minutes et 54 secondes seulement. 10 titres (et une intro). Mais que des tubes en puissance. L’intro - From Zero (Intro) - sous forme d’un dialogue entre la nouvelle arrivée et le MC du groupe, donne le ton de cet album et la raison de ce titre « From Zero » :
- Armstrong :From Zero?
- Shinoda : Yeah
- Armstrong : Like from nothing? Oh, wait, your fir—
La phrase ne se termine pas mais « Your first band name was Xero » (Traduction : « Votre premier groupe s’appelait Xero ») est supposé. Cet album, c’est à la fois une renaissance et une continuité. Aussi bien un retour aux sources qu’une transformation.
Le titre The Emptiness Machine est donc le premier titre et le premier single et on y retrouve quasiment tout ce qu’on aime dans Linkin Park, tout ce qu’on a aimé (allez quelques couplets rappés de Mike Shinoda manquent un peu). Comme pour nous accueillir dans ce nouveau chapitre, c’est la voix de Mike Shinoda qu’on entend en premier, sur un simple rythme de batterie samplé servi par M. Hahn et des accords de pianos qui rappellent What I’ve Done de l’album Minutes to Midnight et puis vient après le refrain, le couplet de la nouvelle venue, naturellement, ça nous surprend mais au final c’est comme si, malgré tout, Linkin Park avait toujours été ce duo tant les deux voix d’Emily et Mike fonctionnent bien ensemble. Ce choix de premier single était évident et a explosé en radio.
Le deuxième titre est Cut The Bridge qui par certains rythmes et par les couplets de Mike rappelle Given Up également de l’album Minutes to Midnight. Car oui, Mike est de retour pour quelques couplets de hip-hop. On pensait qu’il avait oublié comment faire, mais ce mélange Rap/Metal aux origines du groupe est bien de retour. Fini la pop sucrée de One More Light (et c’est pas plus mal) !
Pas le temps de niaiser comme disent nos amis Québécois, on enchaîne avec Heavy is the Crown titre qui est un véritable retour aux origines qui ne peut pas ignorer l’héritage venu de Faint sur le deuxième opus de Linkin Park, Meteora. La recette du groupe originale de l’Arizona remise au goût du jour : samples (Mr. Hahn est bien là sur cet album et c’est un plaisir), du hip-hop, et du chant bien saturé (dont un cri de 17 secondes d’Emily Armstrong, réalisé en une seule prise). Le titre est probablement autobiographique : oui, elle doit être bien lourde cette couronne sur la tête d’Emily Armstrong, mais elle la porte plutôt bien au final.
Vient le morceau le plus faible de cet album selon moi, Over Each Other, un titre pop-rock, pas désagréable à écouter, ou Emily Armstrong se retrouve seule, mais qui n’a pas la puissance émotionnelle que pouvaient avoir les titres équivalents du groupe par le passé (comme Leave Out All The Rest ou Shadow of The Day par exemple). Et si c’était ça le secret Linkin Park ? Enchaîner les ballades avec des titres vraiment énervées comme Casualty qui suit ? Même Mike Shinoda a l’air en colère ! Au final, ce sont les deux titres les plus étonnants de cet enregistrement, tant ils détonnent l’un par rapport à l’autre.
Par le passé la discographie du sextuor américain a montré qu’ils étaient capables de tenter des choses, de changer de direction au gré des albums, dans From Zero c’est comme s’ils avaient voulu sur chaque titre retrouver une pièce de leur passé. Overflow est un titre qui tient sur un fil, en équilibre pendant trois minutes, avec cet ostinato au piano en fond qui ne semble pas quitter nos oreilles de tout le morceau, et des ces voix lancinantes, répétées « We’re going down, we’re going down, we’re going down, we’re going down » … Si ce coté presque électro, et la voix pour une fois claire et cristalline d’Emily ne sont pas là pour se remémorer le très décrié et expérimental quatrième opus A Thousand Suns, alors je fais fausse route, mais il y a clairement un lien entre ce nouveau titre et l’opus du groupe sorti en 2009.
Et comme Linkin Park est convaincu que c’est dans les vieux pots qu’on fait la meilleure soupe, le titre Two Faced emprunte allègrement ses riffs de guitare et sa progression d’accords à Figure.09, son pont à One Step Closer et les scratchs de Mr. Hahn rappellent les meilleurs moments de Hybrid Theory. Finalement, ce retour aux origines a du bon !
On approche déjà de la fin de l’album (ben oui, il est quand même très très court), Stained est un titre pop-rock-rap probablement écrit par Mike Shinoda seul tant il rappelle ses projets solo pendant la pause forcée du groupe depuis 2017. Mais ce titre vraiment très pop n’a qu’un seul intérêt, montrer qu’Emily a décidemment différentes cordes à son arc.
Après donc un peu de déception, l’album termine en apothéose, IGYEIH (I Gave you Everything I Have) est un morceau extrêmement bien construit, les riffs de guitare d’intro sont dévastateurs, la batterie telle un chronomètre qui semble nous donner le rythme (« The clock keeps ticking »), les deux voix de Mike Shinoda et Emily Armstrong s’accordent extrêmement bien dans les couplets, le refrain est extraordinairement catchy, et un final explosif qui doit être incroyable en live et montre l’étendue du talent de la petite dernière en tant que front-woman.
Good Things Go que je traduirais lamentablement par « Toutes les bonnes choses ont une fin » apporte cette touche d’émotion qui me manquait. Chester avait ce don, inciter à la colère comme à la mélancolie, il manque encore ça dans les titres de cet album. Ce morceau final s’en approche sans pour autant retrouver ces félures qu’on sentait dans la voix de Chester. Dans ce titre, les deux chanteurs se répondent à travers le chant, Mike Shinoda ne chante pas si mal au final (pas toujours le cas en live en revanche) et on voit qu’il en avait envie surtout. Ce titre tout en nuances vient très bien finir cet album.
En conclusion ?
Vous aimiez Linkin Park ? Vous devriez aimer l’album.
Vous aimiez Linkin Park mais vous avez abandonné après Meteora ? Vous trouverez votre bonheur dans cet album.
Vous ne connaissiez pas Linkin Park ? Profitez en pour écouter cet album, puis Hybrid Theory, puis Meteora.
De mon côté, je suis ravi, j’ai retrouvé les mêmes sensations qu’à la première écoute de Meteora. J’ai retrouvé des musiciens et des recettes que j’aimais, une madeleine de Proust en sorte, mais remise au goût du jour (fourrage au chocolat peut être ?). Si Chester est irremplaçable et ne sera jamais remplacé, il a trouvé une héritière, et c’est déjà pas si mal.
Liste des pistes :
No | Titre | Durée |
---|---|---|
1. | From Zero (Intro) | 0:22 |
2. | The Emptiness Machine | 3:10 |
3. | Cut the Bridge | 3:48 |
4. | Heavy Is the Crown | 2:47 |
5. | Over Each Other | 2:50 |
6. | Casualty | 2:20 |
7. | Overflow | 3:31 |
8. | Two Faced | 3:03 |
9. | Stained | 3:05 |
10. | IGYEIH | 3:29 |
11. | Good Things Go | 3:29 |
Linkin Park
- Emily Armstrong – chant
- Colin Brittain – co-production, batterie
- Brad Delson – co-production, guitare
- Dave « Phoenix » Farrell – basse
- Joe Hahn – programmation, direction artistique
- Mike Shinoda – chant, production, ingénieur du son, mixage, direction artistique
MainStage 1
Artiste présent en 2025 le dimanche