Sordide, Wyatt E., Deûle & Belladone à Grrrnd Zero, Vaulx-en-Velin.
Grrrnd Zero : lieu autogéré qui vit de bénévolat, d’enthousiasme, de militantisme, où l’on boit des Grihètes à 4€ la pinte et où l’ouverture d’esprit aère votre intérieur comme une bise fraîche sur l’ajout.
Parce c’est un supplément d’âme.
J’ai déjà eu le plaisir de voir Litige ici, et Iffernet et les Oï Boys et surtout Dolpo, qui avait traversé le Pô pour nous emmener dans le Tibet. Ce soir, 4 groupes pour… 7€ et 4h de très bonne musique ! Grrrnd Zero est bien rempli.
BELLADONE (violence duo, c’est écrit comme ça quelque part, Lyon).
Je ne les connaissais pas. Quelque chose un peu hardcore et un peu death, je maîtrise pas bien ces trucs qui ne sont de toute façon pas là pour être maîtrisés, ce sont des bêtes sauvages et pas des pulls en synthétique ou sans éthique, ils n’ont pas besoin d’étiquettes et tant mieux si les codes se barrent et les codes-barres s’émiettent. Des morceaux qui finissent dès qu’ils ont commencé, la tête tout près de la queue comme une fille de joie qui #?&! avec les dents, cherche même pas à être belle. Un set de 20 minutes. Un duo guitare/batterie, le chant growlé, et c’est pas compliqué : à un moment y’avait du silence parce que les concerts n’avaient pas commencé et puis l’instant d’après, c’est toutes les hurleries de l’enfer qui se sont jetées sur nous, bien dans la gueule et bien avant Deûle, pas de quartier dans ce quartier qui est à peine un quartier, on avait l’impression d’être au bout d’un entonnoir et y’avait rien à entonner, on s’est tous retrouvés collés au mur du fond, comme des silhouettes, et à la fin de petits démons sont venus nous décoller, nous épousseter et nous redonner forme humaine, mais pas tout à fait.
En fait, je sais pas si vous avez compris : ils ont joué vite et très fort. Ceux qui avaient du cérumen dans les oreilles auront du mal à l’extirper. Mais ça nous a comme débouchés et c’était parfait pour commencer la soirée.
DEÛLE (noise, doom, black, indus, post punk et tout le reste, Lille).
Deûle d’amouuur !
Le Monstre des Marécages, celui qui vous terrorisait quand vous aviez huit ans, sortait des… Marécages (la Bête est logique). Et bien Deûle sort de la Deûle, une rivière du nord de notre pays à nous, et ils sont monstrueusement bons.
Certains morceaux ont une deûle d’ange et les autres la deûle de bois, et ce sont parfois les mêmes. D’autres ont le goût du sang et se répandent lentement. Et d’autres encore viennent s’enrouler autour des ronds-points serpents et se fracasser la tête contre les murs du son. C’est fêlé de partout et comme on dit, c’est par là que passe la lumière. Il y a tout ce que j’aime dans ce groupe, et ce que j’aime pas, ils me le font aimer. Rendez vos billets pour Tahiti, les gens, c’est dans la Deûle qu’il faut apprendre à surnager.
En résumé, et pas besoin d’être Deûleuze pour le comprendre : c’est impossible de faire la deûle à la fin d’un tel concert. Ne ratez SURTOUT PAS ce groupe s’il passe près de chez vous !
A noter qu’Elya Bernard, qui joue dans Death By Fog, est la chanteuse (voix claire/voix hurlée) et le clavier de Deûle, et qu’elle a concocté la playlist suivante rien que pour nos oreilles.
Et voici leur e.p. C’est très bien, et c’est 1000 fois mieux en live. Ils ont d’autres titres, comme cette Virée nocturne qui m’a emmené très loin.
WYATT E. (doom/drone antique, Belgique).
Ils jouent en burqa. Que fait Dard-Malin !?
Je ne me suis jamais autant fait bercé depuis l’enfance. En fait, je ne me suis jamais autant fait bercé puisque ma mère était pas du genre. C’était doom, c’était antique et psyché, c’était le berceau de l’humanité.
Les morceaux sont délicieusement longs. C’est comme se faire baiser l’âme et le corps pendant mille et une nuits.
Le goût du sang, là, qui reste coincé entre les dents : c’est le moment d’appliquer l’onguent. Wyatt E. n’est pas un shérif, mais ils ont remis de l’ordre dans mes pensées après la Deûle adulée. Et si j’ai bien vu l’étoile qui brillait, ce n’était pas celle du berger. Ce groupe - un peu belge, un peu israélien, un peu babylonien - propose un psyché aux sonorités orientales. Ils disent écrire de la musique pour les Dieux, et j’ai bien regardé autour de moi : j’ai vu des types et des nanas beaux comme des gueules cassées, beaux justement parce qu’ils avaient des gueules cassées et que leur imperfection les rendait parfaits, parfaitement humains, avec leurs failles et leurs blessures secrètes cachées sous les vestes à patches et les capuches noires. Et Wyatt E. nous a réparés, une trance par ci une transe par là, on n’était plus où on était et c’est ça la magie des salles de concert : on n’était plus à Grrrnd mais dans un lieu lointain, ni à Zero mais bien plus loin. Wyatt E., c’est l’infini.
SORDIDE (black punk groovy, Rouen).
Un peu moins de monde, maintenant. C’est dommage. La soirée a pris un peu de retard et certains/certaines ont dû chopper le dernier métro.
Les trois premiers morceaux, avec Elya Bernard qui headbangue juste à côté de moi, c’était pas du tout sordide.
Après tant d’émotions, on ne sait plus où on est ni où on va. Comment ça, la Deûle irrigue Babylone ? On est toujours à Vaulx-en-Velin ? Et comment le veau de la Bible s’est-il transformé en vélin ? J’y comprends plus rien. Il fait tout noir et y’a de la magie.
Inutile d’être candide, arrive le coup du sort : le black & punk de Sordide. Je suis surpris : c’est aussi planant que puissant. Quel groupe ! Je savais pas que le sordide pouvait être sublime. Ils ont un morceau qui s’appelle Ne savoir que rester et c’est ça qu’on va faire, rester là, à se taper le merveilleux sordide de la vie. Ça vous écrase. Ça remplit le cahier des charges comme une charge de cavalerie. Et puis ça vous choppe au bide. J’ai vu des filles envoûtées. Ça se termine Vers jamais. D’où sort le Sordide, et où va-t-il ensuite ? Il est temps de rentrer en contournant les terrains plus que vagues. Quelle soirée… Et le metal, le black, le punk, le post, le reste, quelle scène… ! Oui. c’est la soirée où le temps s’est inversé : c’est dans la Deûle que la Seine s’est jetée. Rien de Sordide. Et puis Wyatt E. ! Le sort en est jeté.
Voilà. J’ai un peu monopolisé le topic des concerts, j’en ai conscience, et je voudrais m’excuser auprès de ceux qui ne viennent pas ici pour qu’on leur jette des pavés dans la tronche. Je vais faire une petite pause dans les concerts, remettre les choses et les vertèbres à l’endroit, avant de peut-être retrouver le chemin des salles et me faire caliner par une A.A. qui n’est ni alcoolique ni anonyme et qui n’est pas non plus une poire - du nom de Williams.