REIGAN-DO + COSMORE + NEURA / Overdrive Café / St Symphorien d’Ozon / 7.12.24.
Ces choses ne peuvent être clairement exprimées par des mots. (Le traité des Cinq Roues, Chapitre du Feu).
Mais je vais quand même essayer…
On ne louera jamais assez les grottes.
Je parle ici de louanges, et non de location. Mais dans le cas où l’espace mental suivant vous intéresse, veuillez préparer : une photocopie de votre carte d’identité (tatouages bienvenus), les trois derniers bulletins de salaire de la peur, un justificatif de domicile en zone sinistrée et une personne-caution (pour nous, le Diable est toujours solvable). L’enfer lui-même exige un état des lieux.
Nous vous rappellerons.
Les grottes, donc… Elles sont le premier abri de l’humanité. Elles sont l’enfance de l’art (Lascaux, Chauvet). Elles sont l’endroit où le petit Platon a vu son premier feel good movie dans un cinoche qui s’appellait The Cavern. Et les grottes sont Reigan-Do.
Reigan-Do (« esprit de la grotte »), c’est cet abri où le samouraï Miyamoto Musashi vécut, médita, écrivit Le Traité des Cinq Roues (qui n’est pas une étude de prototype pour Toyota mais un manuel sur l’usage du sabre kenjutsu et la source de mes citations) et où, d’après la légende, il mourut. Très, très beau nom de groupe qui - avec les éloges du forum, aussi bien qu’un sabre - a piqué ma curiosité et transpercé ma chair.
(Ci-dessous une estampe représentant Miyamoto Musashi).
Le Over Eighteen Motors se situe à St Symphorien d’Ozon, à 20 km au sud de Lyon, et a toute l’apparence d’un (gentil) repaire de motards. C’est à la fois un restaurant, un bar à bières avec une petite salle de concert (l’Overdrive Café), un atelier / espace d’expo-vente de motos et un salon de tatouage. Le tout dans une zone industrielle avec laquelle mon GPS n’a pas fraternisé.
Vous devez regarder votre ennemi de haut et prendre position sur des lieux un peu en hauteur. (Le traité des Cinq Roues, Chapitre du Feu) 
Bon, je fais exactement le contraire, et puis de toutes façons y’a pas de lieux surélevés dans le coin et encore moins d’ennemis.
L’Overdrive Café a une petite salle rectangulaire et sombre (mais ouverte sur l’arrière, pour une toute petite centaine de personnes bien serrées à vue de nez) avec une petite estrade au bout. En 3ème partie de soirée, Neura (quintet franco-brésilien de Lyon, avec chanteuse (chant clair / chant hurlé), 2 guitares, basse à 6 cordes et batterie) qui propose un metal générique auquel je n’ai pas trop accroché, et pour lequel l’essentiel du maigre public est venu. Auparavant, en 1ère partie, Cosmore (Lyon), un trio guitare-basse-batterie qui joue un post-metal instrumental dans lequel je me suis bien laissé embarquer. Nous étions une grosse quinzaine pour un concert qui méritait bien plus. Quelques intros, 7 morceaux et 45 mn de set de la part d’un groupe introspectif proposant une musique introspective, avec un Repentance, joué sans regrets ni remords, et son sample de Charlie Chaplin, et un morceau (Lost Ages, mais pas sûr de moi) dans lequel j’ai entrapercu l’ombre des Shadows.
REIGAN-DO a joué en deuxième. Des problèmes de son et de retour sur le premier morceau (Guilty - la voix principale est noyée dans le mix, la seconde voix est plus audible) mais dès le 2ème (Dive into the flames), c’est un tsunami de post-metal, c’est le combat de trois ronins et c’est le repos du guerrier esquissé au pinceau sur une estampe.
Je ferme les yeux, je me branche aux guitares, je m’accorde.
C’est la synchronisation qui permet au danseur ou au ménestrel d’être en rythme. En tout art et en toute capacité, il y a la synchronisation. (Le traité des Cinq Roues, Chapitre de la Terre).
Je me synchronise, donc, et le concert continue. Pas de Namida (avec sa citation de Paul dans sa 2ème lettre aux Corinthiens) mais un Cursed children à la fois beau et désespéré, et avec ce groupe, on ne sait si le désespoir naît de la beauté ou si la beauté naît du désespoir. L’un paraît indissociable de l’autre. Chaque morceau a la beauté de l’évidence.
Au centre de gravité du concert : Violent life avec ce début à la batterie qui évoque une armée qui trépigne d’impatience. Je sens que je vais finir par exploser projeté en sample et tout explose en effet, on lâche les coups - on perd le fil - les parties atmosphériques sont comme des flaques d’eau pure dans lesquelles le groupe nous laisse nous désaltérer avant de nous assener le coup suivant, le coup fatal. Difficile à croire qu’ils ne sont que trois pour produire ce bruit, cette harmonie. Dans la flaque d’eau, miroir et abreuvoir, l’humanité se contemple, se noye, reprend vie. Et moi je leur vois un grand et bel avenir.
Avec l’eau comme base, le cœur se fait eau. L’eau prend la forme de son récipient, elle est un mince filet ou devient un gigantesque océan. (Le traité des Cinq Roues, Chapitre de l’Eau)
Le concert se termine par deux morceaux encore plus violents et je ne veux qu’une chose : revoir ce groupe - le revoir avec un autre son - le revoir avec un plus grand public et avec le feedback qu’il mérite (on était seulement une vingtaine) - entendre ce son de guitare. Ecoutez-les. Allez les voir et les revoir. Suivez-les. Ils sortiront vainqueurs du champ de bataille. Ils sortiront debout du champ de ruines. Persévérez et percevez car…
Par la connaissance de l’existant, on peut appréhender l’inexistant. (Le traité des Cinq Roues, Chapitre du Vide). 
Ce groupe est l’avenir d’un monde sans avenir.