[Jeu] Titr-O-Rama

Aujourd’hui, je présente Zbigniew Karkowski.

SI je considère Kevin Drumm plutôt comme un poète du son, Zbigniew Karkowski m’apparait comme un physicien de génie. Ce mec était déjà une légende pour moi de son vivant. Des rumeurs disaient qu’il avait réussi littéralement à mettre le feu à ses enceintes en délivrant un set d’une intensité folle lors d’un festival en Suisse. Sa fiche sur Discogs m’apprenait qu’il avait déjà collaboré avec le gratin de la scène bruitiste mondiale (Blixa Bargeld de Einstürzende Neubauten, Merzbow au sein du duo MAZK, Kasper T. Toeplitz au sein du duo Le Dépeupleur, Peter Rehberg aka Pita, Aube, etc…). Sa fiche Wikipédia m’indiquait qu’il était originaire de Pologne mais qu’il avait étudié la composition musicale dans des établissements spécialisés en Suède, la sonologie aux Pays-Bas, qu’il avait été l’élève de Boulez, Messiaen et Xenakis en France et qu’il vivait désormais au Japon où la scène noise y est très développée. La lecture de son recueil de textes intitulé Physiques Sonores (Van Dieren Editeur, 2008) m’éclairait sur sa personnalité très forte, son engagement et sa radicalité. Les deux mots qui le résument le mieux sont : sans concession. Si vous avez vu le film Usual Suspect (Bryan Singer, 1995), vous connaissez la légende de Keyser Söze. Bah voilà, Zbigniew Karkowski était pour moi le Keyser Söze de la musique. Parce qu’en plus de ça, impossible de mettre un visage sur son nom. Les seules images de lui qui trainaient sur le net étaient deux vieilles photographies prises durant sa jeunesse…

La première fois que je suis allé voir Karkowski en concert, je suis arrivé à la bourre parce qu’il m’a fallu conduire 2h après la sortie du taf + 1h pour trouver la salle de concert confidentielle. La première partie jouait encore, merci Jésus. C’était 5€ l’entrée mais j’avais qu’un bifton de 10. Ça n’arrangeait pas le mec à la trésorerie parce qu’on était plongé dans le noir et qu’il voyait plus ses pièces. En tentant de me rendre la monnaie, il a juste réussi à renverser toute sa caisse par terre ! Ça a fait beaucoup rire le vieux qui sirotait sa bière à côté de nous. Dépité, le mec à la caisse choisi comme option de facilité de m’offrir plutôt 2 bières en échange des 5€ qu’il me doit. Deal. Et ça a fait rire à nouveau le vieux qui sirotait sa bière à côté de nous, avec qui j’échangea un sourire complice. Un quart d’heure plus tard, le vieux qui sirotait sa bière à côté de nous s’installe sur scène. Je réalise qu’IL EST ZBIGNIEW KARKOWSKI. Frissons.
La deuxième fois que je suis allé voir Karkowski en concert, il n’a pas joué du tout. Il était juste présent dans la salle pour voir son ami Kasper T. Toeplitz interprété pour la première fois SA partition pour basse électrique.
La troisième et dernière fois que je suis allé voir Karkowski en concert, il jouait en tant que Le Dépeupleur en duo avec Kasper T. Toeplitz. Il a participé 15mn puis s’est barré, laissant son ordi ouvert et son binôme se démerder tout seul sur scène. Il a estimé que les conditions n’étaient pas favorablement réunies pour lui. Le son n’était pas assez fort ? Le set pas assez intense ? Le public pas assez réceptif ? J’en sais rien mais ça manquait de quelque chose et ça valait pas la peine de poursuivre.

En 2013, au dernier stade de son cancer à l’âge de 55 ans, il entreprit un ultime voyage en Amérique du sud pour se faire soigner par des chamans. Il mourut finalement là-bas. On raconte qu’il avait préféré que sa carcasse soit abandonnée à la nature sauvage et qu’elle se fasse bouffer par la faune locale…

Voilà It (2000), la première pièce que j’ai écouté de lui. Elle dure près de 18mn. Ne l’écoutez pas au casque. Si vous ne supportez pas les hautes fréquences, abstenez-vous.

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