Allez, je m’essaie à l’exercice du report pour la soirée gratuite du 29 Octobre au Supersonic à Paris, qui rassemblait FRAPS, Eigengrau et enfin Valley of the Sun.
Monter à Paris, erk
En semaine : on va être é-cla-tés
On n’est pas coutumiers des « petites salles », et on me dit que celle-ci est vraiment très petite, tu vas voir qu’on va passer la soirée coincés derrière un pilier
Et puis Valley of the Sun qui traverse l’Atlantique pour jouer gratis… ce sera sans doute pas la perf du siècle
Eh ben spoiler alert, on a passé la soirée dans des conditions parfaites et surtout : c’était le feu
(Vous pouvez cesser la lecture ici, c’est toute la substance de ma prose !)
FRAPS (« post-rock »)
La soirée commence par le baptême du groupe parisien FRAPS, qui n’a pour l’heure sorti qu’un EP en Juillet dernier, Grey Mud.
La salle paraît déjà relativement remplie, en partie par des amis dont la présence au pied de la scène rassureront les jeunes musiciens et chanteuse pour leur toute première performance live.
Même sans ce soutien, ça se serait sans doute bien passé car ça joue sérieusement et sincèrement. La frontwoman et le guitariste à qui j’avais demandé 1/2 heure plus tôt s’il s’occupait des vestiaires (tuez moi) nouent tout de suite contact avec le public, et leurs acolytes suivront vite leur exemple car la salle répond positivement à l’appel.
Le set est cohérent et varié, le groupe s’autorisant une vaste aire de jeu autour du rock. Rien de révolutionnaire mais c’est tour à tour entraînant, percutant, émouvant, on ne s’ennuie pas et on a déjà gagné notre soirée avec ce petit groupe qui nous était totalement inconnu.
Un petit souci de micro voix au début, peut-être un peu de timidité par moment (surtout au début), mais tout le monde est bien à sa place et kiffe le moment.
Nul doute que l’expérience en fera de bons performers, n’hésitez pas à les suivre !
Eigengrau (« psyché »)
S’installent ensuite les Danois d’Eigengrau, dont je n’avais « écouté » qu’un titre alors que je plongeais dans le royaume de Morphée (ce qui n’est pas si impertinent comme mode de découverte, « eigengrau » désignant la couleur indéfinissable que nous percevons paupières closes, avant que l’onirisme en fasse jaillir de nouvelles de notre fantaisie…). Le groupe avait annoncé sa dissolution en 2019 sur Facebook, après avoir sorti un EP en 2017, Leap, et un album en 2018, Radiant.
Le public s’est un peu densifié, nous nous sommes mieux centrés par rapport à la scène pendant la pause, et nous avons bien fait : les jeux de lumière et la musique ultra trippy m’embarquent illico dans un voyage frénétique - on ne sait pas où on va, dans l’espace, dans le désert, dans les circuits imprimés de la machine qui nous simule, peu importe, le trajet est grisant.
Le blondinet qui laisse libre cours à sa folie aux claviers me surprend par son chant déluré (j’étais convaincue que le groupe faisait de l’instrumental). Le bassiste vit sa meilleure vie sans retenue au beau milieu de la scène, aux côtés du guitariste et du batteur plus discrets mais totalement impliqués dans leur jeu.
« Psyché » ça peut vous faire croire que c’était planant et que ça invitait à ramasser des fleurs en causant philo ou amour libre… c’est pas du tout ça. Malgré l’odeur de patchouli répandue dans la salle (à la demande du groupe ?(oh et ce n’est pas une métaphore pour une autre substance, il y avait vraiment de l’encens)), et une variété d’humeurs appréciable selon les morceaux, je retiens une impression générale plus proche du shot d’adrénaline pure qui t’invite à flanquer tes inhibitions à la porte. Par exemple, ce mec qui nous a balancé son pote sur la tronche sans crier gare certes n’a pas fait d’émules, mais était tout à fait raccord avec la débauche d’énergie ambiante.
C’était frais, c’était bien fait, c’était chiadé, c’était débile, c’était trop cool.
Aucune idée d’où le groupe en est avec sa carrière et comment ils se sont retrouvés là (le chanteur étant parfaitement francophone, soit dit en passant), mais j’espère qu’ils reprennent la route parce qu’en live c’est satisfaisant !
Valley of the Sun (« stoner »)
Il est temps de déménager le matos d’Eigengrau pour mettre en place le set-up de Valley of the Sun, le groupe pour lequel nous avons bravé le périph.
Le groupe tourne pour défendre son cinquième album, Quintessence, sorti cette année. Si vous ne les connaissez pas, je vous invite à jeter une oreille à leur EP de 2011, The Sayings of the Seers.
Le public est maintenant très dense mais nous avons conservé notre place, d’où la visibilité et le son seront excellents toute la soirée.
Le frontman chanteur-guitariste, l’air très sérieux, ne semble pas heureux de ses balances. Pendant qu’il travaille avec l’ingé, le bassiste et le batteur se chamaillent comme deux gamins, jusqu’à ce que le batteur mange la setlist (là encore, pas de métaphore, je vous dit ce que j’ai vu). Cette anecdote résume bien la soirée : on est entre copains, on va faire les choses bien mais le fond de l’histoire c’est ni plus ni moins de passer un bon moment.
Le groupe a fait la part belle à de « vieux » morceaux que nous écoutons fréquemment sur Spotify dans des playlists « feel good », mais je n’avais pas saisi à quel point le groupe et ses compos sont taillés pour la scène : quelle énergie !
Les trois musiciens ont donné un super concert, autant dans l’exécution (je ne suis pas assez calée pour être gênée par les imperfections de réglages qui défrisaient les sourcils du gratteux) que dans l’ambiance : ils sont archi heureux de faire leur 69ème concert ici et maintenant avec nous et ça se voit. Le chanteur s’arrêtera de temps en temps pour échanger avec nous (en anglais), saluer l’apprenti headbanger de 5-6 ans survolté qui est calé juste à ses pieds, faire coucou par la grande verrière aux malheureux qui n’ont pas pu entrer et s’ambiancent sur le trottoir… Un pogo ininterrompu animera la fosse juste à ma droite et nos qualités de danseurs seront saluées par le bassiste - d’ailleurs, peut-on prendre une minute pour parler de cet homme ? Lui-même est totalement déjanté de la première à la dernière minute du set ! Le batteur n’est pas en reste, bref, la musique est bonne, la mayonnaise prend et on se défoule gaiement sur scène et dans la salle.
En somme, cette soirée au Supersonic était vraiment qualitative, avec une programmation étonnamment variée et cohérente en seulement trois groupes (rock / psyché / stoner, France / Scandinavie / USA, débutants / en reformation ? / parfaitement rodé), des artistes au taquet et une ambiance au beau fixe.
Valley of the Sun ayant achevé sa tournée 2024 au Westill, cela m’offre une parfaite ouverture vers celles et ceux qui y seront allés et voudront bien prendre le temps de nous relater leur week-end dans le fil adéquat