Live report : Of Feather And Bone + Gutless @ Paris, Le Klub - 11/09/2023 (version longue)
Je déteste Le Klub. C’est pour moi la pire salle de Paris. C’est étroit, le plafond est bas, y’a des câbles et des gros pylônes partout, c’est crassou, elle est plus large que profonde, le son est dégueulasse, etc… Bref, je déteste Le Klub et j’y ai pas mis les pieds depuis au moins 10 ans. Mais à l’annonce de ce que je croyais être le tout premier concert de Of Feather and Bone en terre française, toutes ces conneries de merde ne sont qu’un détail. JE VEUX VOIR OF FEATHER AND BONE et peu importe dans quelles conditions.
Mais avant de voir Of Feather And Bone sur scène (ou après avoir rater Of Feather And Bone sur scène - ça marche aussi, vous allez comprendre), je fais une rencontre providentielle dans la vraie vie. Il se trouve que je m’intéresse au Death Metal depuis peu de temps et que ma culture sur le sujet, je la dois en grande partie à deux rédacteurs qui opèrent sur la toile. Le hasard de la vie fait que l’un d’eux habite à… une station de tramway de chez moi !! W T F ? Et ce mec m’apprend que pas du tout, OFAB a déjà tourné en France et que c’est même son pote qui les a fait jouer en 2017 à La Cartonnerie de Reims, soit à 1,1 km de mon domicile. Hein, quoi ? J’ai raté ça ???! W T F ?…
19h10. En arrivant dans le Klub, je suis un peu perdu, je reconnais pas vraiment l’endroit. La salle m’apparait encore plus étroite qu’autrefois. Le plafond est toujours aussi bas avec plein de câbles partout mais de nouveaux pylônes semblent avoir poussé du sol. Les murs sont devenus tous blancs et la scène est occupée par un espace merchandising. Bah merde alors, dis-moi pas que le concert a lieu dans les loges ? Derrière le bar peut-être ?! En fait, en bas des marches à l’entrée, il y a deux portes : celle de gauche - que j’ai toujours franchi à chacune de mes venues ici - et celle de droite - que je savais même pas qu’elle existait. Je comprends que la soirée devrait se poursuivre derrière celle-ci, à partir de 19h40 comme le mentionne l’écriteau placardé dessus. En attendant, je regarde les autres siroter leur breuvage assis sur des canapés crados. Tous ou presque portent des T-shirts à l’effigie de groupes Death Metal. C’est drôle, je reconnais tout de suite une nana que j’ai croisé tout le WE au festival Frisson Acidulé. Une personne de bon goût, assurément. Le temps parait un peu long quand on est sans ami alors je gamberge… Primo, je réalise que ce concert Death Metal sera en fait mon premier concert Death Metal en salle. J’ai déjà assisté à plusieurs concerts Death Metal mais jusqu’à maintenant, c’était dans le cadre de festivals Open Air. Là, c’est entre 4 murs et entourés de fans fins connaisseurs. Et secondo, quoi de mieux que de faire son baptême de concert Death Metal en salle avec le groupe dont le dernier album est celui qui nous a justement éveillé au genre ?
19h45. On peut enfin accéder à la porte mystère de droite. Je m’engouffre. Je tombe sur un nouvel escalier qui descend encore. Il mène à un couloir qui conduit à une petite cave voutée très charmante, avec son petit bar à l’entrée à gauche, son petit espace salon en face et sa petite scène au fond dans l’angle opposé. W T F ? C’est nouveau ça ? Mais depuis combien de temps elle existe cette pièce aménagée !?…
20h. Gutless monte sur scène. Ils sont 4, ils tiennent à peine tous sur le plateau. Je me suis posé à 3m de là, appuyé contre le mur sur le côté. On est peut-être une quarantaine dans l’assemblée. Je ne vois presque rien à cause de condisciples pourvus d’une taille supérieure à la mienne. J’ai quand même une bonne vue sur le guitariste d’en face et je peux distinguer la tête du batteur. Je reconnais ce mec, c’est lui qui assurait la permanence au stand de merch à l’étage. Derrière sa table, je le voyais pratiquer la Air Batterie en jouant par dessus la musique (Death) que diffusait la salle. Je me disais aussi « Tiens, cet enculé maitrise le jeu de pieds à la double pédale ». Pas étonnant donc. Gutless est un groupe australien. Je ne le connaissais pas avant de voir ce nom sur l’affiche. Je n’ai écouté qu’un seul extrait pour me préparer. J’ai senti que je n’avais pas besoin d’en entendre davantage pour savoir que j’allais kiffer. Et devinez quoi : j’ai kiffé ! J’avais très peu de visibilité alors j’ai privilégié l’écoute à la vue. Gutless pratique un Death pur jus comme je l’aime, à la sauce old school. Clairement, ça cherche pas à se distinguer de la masse de prod dans le genre, mais c’est pas le but. On se sent en terrain connu, voix caverneuse, double pédale, ruptures de rythme, tout ça tout ça. C’est pas très créatif mais c’est bien exécuté, putain efficace et c’est ce que j’étais venu chercher. J’ai quasiment pas vu le chanteur/guitariste de tout le set et encore moins le bassiste. Ils ont pourtant joué plus de 30mn. Mais c’était cool, je les (re)verrai avec plaisir. Je sais qu’ils sont tous les deux rouquins mais c’était juste une coIncidence malheureuse. Je n’ai rien contre les rouquins. Moi-même je suis un peu rouquin sous les aisselles, qu’on dirait même des écureuils.
20h40. Tout le public ou presque profite du changement de plateaux pour monter aux étages supérieurs. Voilà une idée qu’elle est bonne ! Qui va à la chasse perd sa place ! Cette première partie m’aura au moins servi de leçon : pas moyen de rester en arrière et d’être privé du spectacle. Donc je ne sors pas, je reste dans la pièce. D’abord je m’installe sur un canapé près de l’entrée, comme pour profiter un peu du calme avant la tempête qui s’annonce. De là, je peux examiner attentivement les lieux. En face de moi, mon regard se pose sur une barrière de sécurité qui borde le côté de la scène. Elle dessine une fenêtre entre le pilier situé à l’angle du plateau et la colonne d’ampli. Ce spot semble offrir une vue imprenable sur la batterie. Le champ est libre, je m’attribue l’emplacement et je ne bouge plus. Ou si peu, pour laisser quand même de la marge au mec à mobilité réduite que j’ai repéré à proximité. J’aurais pas vu d’inconvénients à lui filer ma place s’il me l’avait demandé mais il ne l’a pas fait et ça a bien arrangé mes affaires…
Et soudain l’homme de ma soirée fait son apparition. En le voyant, je ne suis pas déçu. Il est blond, tout chétif, longiligne, filiforme. Il fait super jeune. Son nom est Preston Weippert. Je crois qu’il a 32 ans mais il en fait toujours 17. C’est le batteur de Of Feather And Bone. Son jeu ultra rapide m’a scotché les oreilles la première fois que je l’ai entendu et quand j’ai vu sa frimousse d’ado sur ses photos promo, j’ai décidé que je l’adorais. Y’a un truc chez ce garçon qui déclenche le radar de ma curiosité. J’ai le feeling. Avec ses lunettes dorés sorties des 80’s, on dirait le Jeffrey Dahmer de la série TV incarné par Evan Peters. Certes, il porte les cheveux plus longs que le personnage mais il a ce même regard inexpressif des gens timides, solitaires et pensifs. Par contre, lorsqu’il est derrière ses fûts sans binocles, il me fait plutôt penser à Hunter Schafer, l’actrice trans qui joue le rôle de Jules dans la série TV Euphoria. Y’a ce mélange des deux icônes chez lui. Selon le contexte, il souffle le froid ou le chaud, ce qui me trouble et me fascine. Ses camarades du groupe, eux, ont pris les années en pleine figure par rapport aux photos. Le chanteur / bassiste fait plus grand et plus mature en vrai. Plus beau gosse aussi. On dirait une version masculine de Pocahontas fan de Cannibal Corpse. Mais je peine à reconnaître le guitariste. Il a le crâne chauve, perdu sa barbe, il est froqué à l’ancienne, le T-shirt rentré dans le pantalon retroussé. Il fait sévère et plus fatigué que les deux autres. Looké de la sorte, il ressemble un peu à Denis Barthes, le batteur de Noir Désir. Mon poste en première loge est à 1m du sien, j’ai donc une vue directe sur son profil gauche. En tournant légèrement la tête vers la droite, je ne peux pas avoir une meilleure vue sur la batterie. Génial !
Le groupe installe son matos. Moi j’ai les yeux rivés sur Preston. Je le regarde monter sa double pédale, sa caisse claire et ses cymbales sur le même kit qui a servi en première partie. Je l’observe toujours quand il reconnait une nana dans l’assistance, je vois son visage se transformer. Lui qui semblait concentré dans sa bulle affiche soudain un grand sourire et ses yeux s’illuminent comme un gosse. Il agite la main avec énergie pour faire coucou à son amie exactement comme une gamine de 12 ans le ferait si elle apercevait la reine des neiges en personne. Sa fraicheur est touchante. Il se presse de régler sa charley et part enlacer sa pote qu’il n’a visiblement pas vu depuis longtemps. Ils échangent quelques mots mais lui doit regagner son kit qu’il n’a pas encore fini de monter. Il est déjà un peu à la bourre sur ses collègues. Il sera le dernier à régler ses retours. En entendant la musique, le reste du public est redescendu et s’est amassé autour de la scène. Lorsque l’ingé-son propose au groupe de jouer un titre pour vérifier que tout est en place, celui-ci s’exécute et après des ultimes petits réglages, on se dit que tout enfin opérationnel. Le chanteur aussi se le dit et demande au technicien - pour la forme - de lui donner le feu vert, prêt à en découdre. Et contre-tout attente, celui-ci répond « dans 10mn? ». Genre on a pas assez poireauté ? T’es au lit avec la nana que tu convoites depuis des mois, t’as le cul à l’air, le membre turgescent, de la vaseline plein les doigts et on te demande de patienter 10mn ? W T F ? Tout le monde se relâche et continue sa vie.
10mn plus tard. Les deux guitaristes investissent à nouveau la scène et empoignent leur instrument. Ils jouent quelques notes, testent leur micro, tout est ok. Ils se regardent, jettent un coup d’oeil dans leur dos et réalisent que Preston n’est pas là. Ils scrutent alors la salle plongée dans une semi-obscurité, quelque peu déconcertés. « Ohé, Preston ! On commence, raboule ! » Et voilà t-il pas que le Preston regagne fissa son poste comme un fiston un peu distrait mais foncièrement obéissant. Ce coup-ci, c’est le bon. On se relâche pas et on continue pas nos vies.
OFAB m’a tué.
Ces mecs sont des petits tueurs, moi j’ai kiffé à mort ! Tout dans leur prestation a fait mouche dans mon coeur : leur musique, leur son, leur attitude,… Il n’y avait que le lightshow qui était en service minimum. L’équipement du Klub n’a sans doute pas permis de les faire jouer sous la lumière rouge habituelle de leur scénographie… mais c’était tant mieux parce que j’ai pu bénéficier d’une meilleure vue sous un éclairage comparable à celui de mon salon et j’ai surtout eu l’impression de me retrouver dans la salle de répétition avec le groupe étant donné la proximité entre nous. À 21h30, le concert était déjà fini. Il fut comme leur dernier album : court mais intense. C’était du concentré, du 100% prentoiçadanlagueule. Moi je n’avais d’yeux quasiment que pour le phénomène Preston. Ce qui m’impressionne le plus chez lui, au-delà de la vélocité de son jeu, c’est qu’il donne l’impression que ça a l’air super simple à faire. Il est parfaitement décontracté et dans l’économie de ses mouvements, c’est à dire que c’est quand on le voit le moins bouger qu’il joue en réalité le plus rapidement. Aussi, à aucun moment je l’ai vu détacher les yeux de son instrument. Moi j’étais comme une groupie, prêt à lui échanger un grand sourire au moindre contact visuel mais il a calculé personne de la première à la dernière chanson. D’ailleurs il m’a semblé que leur set était construit en fonction de l’intensité du rythme. Ça jouait de plus en plus vite, avec des sections de double pédale de plus en plus longues. Le dernier titre était comme le final explosif d’un feu d’artifice ! Il n’y a pas eu de rappel mais le chanteur a pris la parole avant l’ultime morceau. J’ai compris qu’il était ravi de jouer à nouveau à Paris, à nouveau au Klub mais surtout devant un public plus nombreux (ils avaient ouvert pour Tomb Mold, soit dit en passant). Avant de quitter les lieux, j’ai attendu quelques instants de croiser le regard de Preston resté derrière son instrument mais au lieu de ça, j’ai croisé celui du guitariste qui m’a fait un grand sourire donc je lui ai répondu avec un grand sourire à moi et du haut de mes 9 années d’anglais (dont une consacrée entièrement au vocabulaire technique artistique), j’ai fait comme mon voisin handicapé à côté de moi : j’ai imité Wayne dans Wayne’s World
Et là, c’est en tournant les talons que mon regard croise ENFIN celui de Preston et on se fait tous les deux notre plus belle imitation de Wayne .